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Portrait de leader

Quand le maître revisite la pédagogie…

20 novembre 2008

Josée Beaudoin

Chargé de cours à la Faculté de droit depuis 1996, Stéphane Reynolds est sans conteste un leader. Parle-t-on ici d'un leadership inné ou acquis? «Quand j'avais neuf ou dix ans, j'avais la mauvaise réputation d'être ce que l'on appelait affectueusement un «boss des bécosses». Je décidais beaucoup, mais je n'avais pas nécessairement les aptitudes requises pour que les autres adhèrent à mes idées», raconte-t-il. Sept belles années dans le mouvement scout lui ont permis de canaliser ses forces et contribué à faire de lui le leader toujours prêt qu'il est aujourd'hui.

Lorsqu'il a commencé son baccalauréat en droit à l'Université de Sherbrooke, Stéphane Reynolds avait 24 ans, une conjointe également aux études, deux enfants de deux et trois ans, un boulot à temps partiel. Étant donné le tableau, il savait qu'il ne pourrait pas terminer premier de classe, mais il souhaitait bien réussir et garnir son curriculum vitae d'implications. Non seulement a-t-il bien réussi, mais à sa 3e année, il était élu président de son association étudiante.

Le 20 octobre 1995, Stéphane Reynolds est devenu membre du Barreau. Fort d'une première expérience d'enseignement qui lui avait beaucoup plu, il a signifié à quelques professeurs son intérêt pour devenir chargé de cours. Ces derniers lui ont dit d'envoyer son CV, mais sans trop se faire d'illusions, puisque la norme voulait qu'on puisse obtenir une charge de cours cinq ans seulement après avoir été assermenté. Déterminé, notre leader n'allait pas s'embarrasser d'un si léger détail. Moins de neuf mois après avoir envoyé ses CV, son audace payait : le vice-doyen à l'enseignement l'appelait pour lui demander s'il accepterait de donner un cours sur la procédure civile pour une année seulement. Finalement, il donnera trois charges de cours. Puis, de fil en aiguille, le nombre de cours a augmenté et Stéphane Reynolds n'a jamais cessé d'enseigner.

En 1997 et 1998, parallèlement à ses charges de cours, Stéphane Reynolds poursuivait des études de maîtrise en droit à l'Université Queens de Kingston en Ontario. Axées sur l'enseignement du droit, ses études l'ont amené à remettre en question certaines méthodes pédagogiques traditionnelles. Au début des années 2000, à l'Université de Sherbrooke, il s'est investi notamment dans la réévaluation du baccalauréat en droit, en plus de collaborer à la mise sur pied du programme droit-MBA. Loin de protéger jalousement ce qui fait sa différence et son succès, il partage son matériel pédagogique avec ses collègues et ses idées avec le plus grand nombre.

La matière en action

C'est le cours de preuve civile qui, le premier, fut teinté de son innovation. En visionnant en classe des films américains tel Des hommes d'honneur, Stéphane Reynolds a intégré l'observation de la matière en action : «Je disais à mes étudiants : tenons pour acquis que l'action se passe au Québec. Observez ce que font les avocats et dites-moi s'ils le font correctement ou non.» En intégrant la vidéo, l'enseignant rend sa matière plus vivante et s'adapte à son auditoire. «Les gens de la génération Y, il faut les interpeller autrement que seulement par les oreilles, dit-il. Pour fixer la matière, il faut qu'il y ait d'autres sens impliqués.»

Pour enseigner la preuve devant les tribunaux, Stéphane Reynolds a demandé à l'un de ses amis, le juge Chicoine, de venir en classe afin que ses étudiants s'exercent devant lui. «Être devant un juge pour faire un exercice, ça frappe l'imaginaire d'un étudiant, dit le chargé de cours. Il ne se souviendra peut-être pas de tout ce qu'il a appris dans son cours, mais c'est sûr qu'il va se rappeler sa prestation devant le juge.»

Dans un cours de procédure civile dédié aux étudiantes et étudiants de 3e année, Stéphane Reynolds a intégré l'apprentissage par problème. Pour susciter un processus réflexif, il a imaginé un cas complexe sur lequel les étudiants, en équipe, ont travaillé durant toute la session. Toute la matière prévue dans le synopsis a pris vie et atteint sa cible. «Les étudiants disaient deux choses du cours : on rush comme des fous, mais on apprend beaucoup», dit-il.

Un nouveau défi

En 2005, notre leader a fondé son propre cabinet et, jusqu'à tout récemment, il avait toujours décliné les ententes de fusion par peur d'y perdre en liberté. Toutefois, le défi que lui a proposé le cabinet Monty Coulombe en mai a eu raison de ses craintes. Porteur de la relève, Stéphane Reynolds peut y exercer sa passion en toute complémentarité et mettre à profit ses talents de gestionnaire. De plus, l'entente qui s'est conclue officiellement en septembre ne porte pas atteinte à ses deux libertés immuables, soit celle de terminer son MBA amorcé en 2001 et celle de continuer d'enseigner.

Sur un autre terrain…

Même s'il n'a jamais joué lui-même, Stéphane Reynolds est un amateur de football invétéré. Dès le début du programme de football Vert & Or, il a fait savoir aux dirigeants de l'époque qu'il voulait les meilleurs billets de saison et qu'il souhaitait s'impliquer. Ainsi, durant quatre ans, il a agi auprès des joueurs comme entraîneur à la réussite académique. Proactif, il se rendait aux entraînements et allait voir les joueurs sur les lignes de côté pour leur demander : «Pis, comment ça va les études?» Plus souvent qu'autrement, ses protégés lui répondaient : «Justement, coach, je voulais t'en parler.» Toujours détenteur des meilleurs billets de saison, Stéphane Reynolds parraine cette année le quart-arrière Jean-Philippe Shoiry, un étudiant en droit qu'il a accueilli comme stagiaire dans son cabinet l'été dernier.

Pour saluer son désir constant de bonifier ses méthodes pédagogiques, notre leader s'est vu remettre le Prix de reconnaissance de la qualité de l'enseignement lors de la dernière collation des grades. Il était non seulement très fier que l'institution souligne son apport, mais aussi très ému que cet honneur lui soit décerné devant des étudiants qui étaient pour lui particulièrement significatifs puisque, pour la plupart, il leur avait enseigné durant les quatre dernières années. «Comme enseignant, on a le savoir à transmettre, mais si on peut également toucher l'être, là on aura accompli quelque chose.» À voir l'ovation debout que ses étudiants lui ont réservée, le pédagogue peut dire… Touché!

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